Quelle stratégie mener pour ce projet de création d’un réseau de soins oncologiques dans la Poche de Bihac ?

Le dossier est complexe et très stratégique. L’ambition d’un tel programme demande 8 à 10 ans de travail. Il faut également se positionner face l’urgence à agir au regard d’une situation dramatique. Il y a trop de décès, actuellement dans la « Poche de Bihac », dus aux empoisonnements des aliments, de la nourriture et de l’eau qui ont eu lieu pendant la guerre en Bosnie de 1993 à 1996.

Le problème ne va pas s’éteindre au fil des prochaines années. Des femmes sont également atteintes de cancer parfois sans le savoir. Les nouvelles naissances montrent des situations difficiles. Une nouvelle vague de leucémies pour ces bébés et jeunes enfants est en forte croissance.

L’évaluation du nombre de cancers dans la région de Bihac avoisine les 45 à 55 %, ce qui est énorme. En France le taux normal est de 28 % maximum.

Sans définir avec précision la stratégie à mettre en place, quelques points seront à traiter.

Travail sur le diagnostic

  • Quelle technologie est disponible sur place ? (Etat des lieux des moyens techniques et humains)
  • Quels sont les niveaux de connaissance, de formation en rapport avec les cancers ?

Depuis Septembre 2019 des informations précieuses sur l’empoisonnement de la région ont été obtenues par le canal de cadres militaires bosniaques. La cartographie des bombardements est explicite. Les 1201 jours d’enfermement des populations, sous les bombes, confirment la pollution qui s’est abattue sur tous ces gens.

En décembre 2019, une deuxième vague de rencontres avec les médecins présents aux urgences, pendant la guerre, va se réaliser.

Planification du travail à faire à partir de Janvier 2020.

Montage de projet

De façon concomitante au montage de projet, les rencontres et échanges auprès de personnes ressources, experts divers et politiques élus dans les organisations nationales et internationales devront être faits pour mettre ce projet sur les rails de sa réalisation. Le parcours risque d’être long, entre 7 et 10 ans.

La recherche sur le cancer va faire bouger les lignes dans les prochaines années. L’ambulatoire va prendre une place prépondérante dans l’avenir. La fluidité des informations va être à organiser en mettant le patient et sa participation au cœur du projet. Les pratiques vont faire appel à de fortes stratégies de réseaux, d’algorithmes puissants et protégés autour d’une organisation complémentaire et transversale. C’est un changement important de paradigme qu’il va falloir accompagner dans un pays particulièrement individualiste, peu enclin au travail en équipe (chacun défend son job quitte à écraser l’autre pour faire passer l’intérêt personnel en premier).

 

Pour penser un tel projet il faut le concevoir avec une montée en puissance qui traite de l’urgence à agir jusqu’à la programmation finale.

Ce projet est subtil et hautement systémique. Il est autant économique, sanitaire, politique qu’humain. Il est dans un contexte international très perturbé, dans un environnement économique et social déprimé, anémié et dysfonctionnel. L’art de la négociation devra être à son apogée. L’intéressement des personnes pressenties, leurs engagements et leurs expertises seront déterminants pour la suite du processus.

Il est essentiel de faire une telle démarche en constituant, au plus tôt, une équipe locale pertinente capable de faire avancer ce projet sur l’ensemble des directions que celui-ci nécessite (médical, économique, social, politique, structurel et fonctionnel etc.). Pour réussir une telle démarche il faut travailler sur les valeurs et la finalité du projet ainsi que sur les conditions dans lesquelles on veut le réaliser (On tente quelque chose en gardant la maitrise d’œuvre et d’ouvrage du projet dans un esprit ouvert d’échanges, de mutualisations et de complémentarités). L’équipe locale devra s’approprier le projet avec un réel désir d’aboutir.

La montée en charge sera progressive. Il est important que ce soit l’objectif global du projet qui soit accepté dès le départ. En effet si les acteurs ne s’intéressent qu’à l’investissement, ne s’impliquent pas dans l’organisation, le fonctionnement et les évolutions nécessaires pour que le réseau marche, que l’informatique partagée ne fonctionne pas, c’est tout le projet qui tombe à l’eau. Il faudra qu’ils acceptent la formation, la supervision et les règles du jeu mises en place. Oublier de vouloir tirer toujours la couverture à soi est une condition essentielle pour réussir…. Ensemble on va plus loin.  L’esprit collaboratif et complémentaire s’impose dans une telle démarche.

Les différentes étapes

  • Au préalable il est nécessaire d’écrire les règles du jeu et de s’assurer que les décisions prises soient suivies des faits (l’intention OK mais surtout sa mise en œuvre).
  • Pour garantir, au long terme, la réalisation d’un tel programme il faut penser la forme organisationnelle et managériale du projet pour qu’il ne soit pas détourné ni spolié par des organisations malveillantes. (Structure internationale qui gère les fonds pendant et après la mise en œuvre du programme tant que les conditions d’un fonctionnement normal et conforme au projet ne sont pas atteintes.
  • Définir une méthodologie experte pour toutes ces négociations.

Phase diagnostic

  1. Réalité du terrain (Plan diagnostic à élaborer)
  2. Niveau des connaissances et des pratiques mobilisables en Bosnie et à l’étranger (groupe expert à créer)
  3. Capacité à interagir avec des acteurs étrangers (recherche de partenaires tels que Unicancer, IPC pour Marseille, mais aussi du côté de Paris, Montpellier, Lyon ou Bordeaux, Lausanne …..
  4. Calibrage de la phase diagnostic avec une équipe pluridisciplinaire mixte Europe, Suisse et BIH pour la « Poche de Bihac »..
  5. Chiffrage de cette phase
  6. Etc

Répondre aux besoins urgents

Répondre à l’urgence de la situation

  • Capacité à faire des diagnostics médicaux fiables et prendre en charge les cas extrêmes dans les hôpitaux européens (convention entre état/ Europe).

Pour mettre en place des diagnostic fiables il faut envisager une première étape d’investissements à installer dans des locaux existants sur Bihac : scanner, coloscopie, fibroscopie, coelioscopie autour d’un labo performant. Sans doute qu’il faudra penser à l’accessibilité des médicaments efficients avec le concours des gros labos (tarifs préférentiels et exclusifs pour ce programme, voire soutien de fondations etc.)

En attendant cette première étape d’investissements il faudrait mettre en place des conventions entre les hôpitaux spécialisés en oncologie, en Europe et   la communauté médicales de Bosnie pour accueillir les situations très graves constatées dans la poche de Bihac (sur minimum trois ans). Des crédits de l’Etat français (ou autres) fléchés pour de la coopération médicale internationale pourraient être mobilisés (cela éviterait d’avoir des demandeurs d’asile pris en charge gratuitement sur le territoire et de chroniciser leur présence).

Au niveau Européen une enveloppe urgente pourrait être dégagée pour cet objectif. Le « Processus de Berlin » pourrait également mettre la main à la patte comme pourraient le faire les USA, le Canada, l’Australie directement ou par le biais de fondations ou des dons divers.

Parallèlement à ce processus, la technique de télémédecine permettrait la supervision à distance, le suivi des situations lourdes entre les équipes européennes et l’hôpital de Bihac.

Le chiffrage de cette étape est nécessaire en investissements comme en fonctionnement.

  • Penser et organiser le dépistage pour les personnes à risque (26 – 45 ans (au premier janvier 2020), les femmes enceintes, les personnes nées à compter de 2013).

Politique à soutenir pour un tel programme (management, gestion et administration du projet, suivis des patients et rémunération des professionnels) en associant l’Etat bosniaque avec des crédits européens pour cela (crédits à contrôler).

Préalablement il faudra former des médecins référents locaux qui auront l’habilitation pour de telles actions. Il sera nécessaire de vérifier que les médecins référents des patients auront les moyens techniques pour travailler en réseau avec des médecins experts à partir d’une convention d’engagement à signer. Ce sera une opportunité pour aller plus loin avec ces médecins locaux qui pourraient, dès cette opération de dépistage, entamer le processus de leur accréditation pour le réseau oncologie pressenti. Par exemple les associer à des cycles de formation sur la prise en charge de cette maladie dans une logique de réseau.

L’évaluation des coûts de la phase a) est à faire.

Mettre en œuvre l’objectif

  • Confirmer un groupe expert local reconnu et intégré.
  • Définir la stratégie de diffusion du programme auprès des institutionnels, des professionnels de la filière soins qui sont sur place(médical, médico-social et social)
  • Construction des outils pédagogiques pour diffusion, formation du réseau en impliquant des représentants d’usagers.
  • Monter techniquement et humainement toutes les connexions nécessaires à la mise en œuvre de la phase a). Matériel, algorithme et modalités fonctionnelles.
  • Chiffrer cette phase de mise en œuvre

La réponse aux besoins urgents doit pouvoir s’étaler sur trois ans à partir du top départ du projet global.

Projet à long terme

Parallèlement à la première phase de réponse à l’urgence, le travail sur le long terme devra être engagé. Il devra se faire en équipe d’experts et les Etats concernés par ce programme de « réparations »

Elaboration du projet :

  • QQCOQP (qui, quoi, comment, où, quand, pourquoi et pour qui ….)

Evaluation des coûts :

  • Coûts sur la faisabilité du programme et avant-projet sommaire en investissement et fonctionnement.
  • Travail partagé pour créer un réseau oncologique dans un pays pauvre et en retard techniquement. (Equipe pluridisciplinaire et internationale)
  • Calibrage du projet de base. Il devra être adaptable au fil du temps et des évolutions techniques, médicales et conjoncturelles.
  • Budget prévisionnel et plan de financement pérenne (aide internationale + FMI + Banque Européenne + Fondations + Subventions, Dons, Legs, participation de la Bosnie ….).
  • Dire les conditions de gestion et de suivi du projet et celles relatives à la rétrocession de celui-ci à la Bosnie après dix de fonctionnement « sous tutelle » voire plus si nécessaire, maximum 15 ans.

A ce stade de la démarche il est difficile d’aller plus loin sans avoir fait les premiers pas de sensibilisation, d’adhésion au programme de la part des acteurs pressentis localement en Bosnie et internationalement notamment l’Europe, les USA, le Canada, l’Australie y compris le « Processus de Berlin ».

Dire cela n’exclut pas l’idée de constituer d’ores et déjà un groupe expert pluridisciplinaire pour construire le chemin de ce projet. C’est même indispensable.

 

Pour minimiser les coûts, les 90 Millions évalués seront à répartir sur 10 ans. Soit 9 millions d’Euros par an (en linéaire) pour l’Europe avec 26 pays ce qui correspond à un effort de 346 154 Euros annuels par pays. Si on ajoute la participation des Etats Unis, du Canada, de l’Australie, du FMI et de certaines grosses fondations mondiales le coût sera encore réduit. Les effets seront multiples pour les habitants de la Poche de Bihac, pour la modernisation des pratiques locales, pour la solidarité sanitaire entre pays, pour la stabilité des populations et leur survie, pour le respect des peuples et le principe de réparation après les dégâts causés par une guerre internationale.

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